Le papillon africain

 

   Et voici sur ma table, dans son enclos de plastique transparent, le papillon africain que j’ai trouvé sur un chemin longeant un lac, au Bénin. Je rentrais à mon hôtel quand je le vis. Il m’attendait, c’est certain, il yavait en lui une telle attente de ma présence qu’il fallait que mes yeux le rencontrent. Il était mort, c’est ce qui permettait cette attente infiniment patiente. Quant à moi, le vivant, mes yeux tombèrent sur lui sans que je sache d’abord le reconnaître. Dans les premières secondes de ma découverte, je le pris pour un jouet, tant il était irréellement beau dans sa livrée colorée. Son immobilité concourait aussi à cette illusion. Immobile et coloré, il semblait avoir été abandonné là par un enfant espiègle et radieux voulant laisser derrière lui un témoignage de son passage, de son jeu parmi les roseaux de la rive. Le caractère irréel, extravagant, de sa présence était renforcé par l’impression qu’il donnait de n’être situé nulle part, pas plus ici, sur ce bord de chemin, qu’à l’extrémité opposée du lac, comme si l’enfant, en le laissant, ne l’avait pas déposé tout à fait. M’approchant, je vis que c’était bel et bien un insecte et mon émerveillement s’accrut. Le don qu’on me faisait était réel, bien que l’insecte soit mort. Cette mort ne retranchait rien à la réalité du don, au contraire, par quelque mystérieuse façon, elle l’accroissait.   

25 x 17 cm – technique mixte

Je me penchai et pris le papillon dans ma paume ouverte. Puis je le transportai ainsi, comme sur un plateau, jusqu’à ma chambre d’hôtel où je le déposai sur une table. Il semblait si frêle, si fin, et pourtant sa présence noyait la table, l’abîmait sous un rayonnement diluvien. J’avais l’impression d’être dépositaire d’une pierre précieuse qui me parlait .    Il fallut encore franchir des milliers de kilomètres avant que l’insecte se retrouve sur ma table parisienne, entre deux bouquins. L’espace et le temps parcourus n’ont en rien altéré la fécondité de sa présence. Les jours et les mois ont pu rogner mon corps, élaguer mon esprit, lui demeure tel, dans sa permanence inviolée et son mouvement sans fin. (Le voici qui tourne, vibre et vole entre mes bouquins.) Et je me demande : Où est l’enfant mystérieux qui me l’a légué ? Quels confins a-t-il rejoint et à quels jeux joue-t-il désormais ? (Fichier Poésie )

Ce texte a été publié dans Diérèse 5, été 2012, p.17-18

 

62 x 50 cm – encre

 

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