Jean-Claude Pirotte
pour Nicolas Dieterlé
de Nicolas Dieterlé
je n’ai lu que quelques textes
c’est le merle rédempteur
qui m’a servi de prétexte
et s’il parcourt les allées
le matin quand le soleil
est masqué par les nuages
je le suis je tends l’oreille
j’écoute le paysage
mais toujours la mort nous traque
et les sbires à matraque
frappent le rêve des arbres
en nous cherchant à la trace
je trébuche à ton appel
Nicolas je me rappelle
que les oiseaux se sont tus
un soir je ne sais pourquoi
il n’y avait pas de battue
ni de chasse dans les bois
nous étions pris de silence
et les arbres qui se penchent
pleuraient par toutes leurs branches
et pas un souffle de vent
pas même un engoulevent
pour ranimer la confiance
je transforme les étoiles
en quelques nœuds papillons
la Grande Ourse porte un voile
mais le nœud c’est pour Orion
j’aime les constellations
qui défient la raison
je les regarde lancer
des éclats dans le passé
si je vis elles se meurent
mais si je meurs elles vivent
au ciel qui est leur demeure
comme aussi leur livre d’heures
Nicolas prenait la poudre
d’escampette en son jeune âge
il explorait le finage
il recueillait les images
il parcourait les parages
il avait du grain à moudre
en son moulin de lumière
il traversait la rivière
du temps et le chapelet
des heures se déroulait
tel cortège de galets
ou bien cortège d’étoiles
qui sont peintes sur la toile
de la nuit ô Dieterlé
je fais face à mon carnet
et je pense à Nicolas
et je pense à ces années
où j’aurais pu le connaître
il est né bien après moi
déjà j’étais avocat
alors qu’il venait de naître
et les gens m’appelaient maître
maître de quoi mais de rien
bientôt j’ai cessé de l’être
à l’époque où Nicolas
se transportait au Bénin
Nicolas était en quête
de son enfance africaine
et moi je n’étais en quête
que d’argent pour la semaine
aujourd’hui le ciel est clair
mais tu n’attends pas demain
en toi qui sait quel éclair
de douleur fustige moins
ton corps que ton âme il est
peut-être temps de la mort
tu te nommes Dieterlé
tu voudrais n’être personne
sinon cet oiseau chanteur
qui peuplait de chant les heures
de l’enfance dans un autre
grand continent que le nôtre
Nicolas je te confie
ma peine tu ne m’entends
qu’à travers l’ombre du temps
à travers le sang des vies
et le feu des dépressions
qui nous enduisent de suie
et nous privent de passion
sinon celle de mourir
tu es là tu me convies
à partager avec toi
le secret de l’outre-vie
je t’écoute je te lis
je te cherche sous mon toit
fantôme aussi fraternel
que mers poètes élus
nous ne sommes toi et moi
pas du tout des inconnus
et tes livres sont des ailes
d’oiseau-mouche ou d’hirondelles
que j’ai vite reconnues Saint-Léger, novembre XII
Jean-Claude Pirotte
paru dans la revue DIÉRÈSE n° 59/60 printemps 2013 p.50 à 67.
Site : http://www.diereseetlesdeuxsiciles.com
Jean-Claude PIROTTE est un écrivain, poète et peintre belge né à Namur le 20 octobre 1939 et mort le 24 mai 2014