Visages habités

 

aquarelle - 40 x 30 cm

Et c’est peut-être (mais peu importe le lieu) que j’ai vu mon visage. Il était haut et vaste, immensément nu. Il reposait dans les airs comme une explosion immobile. Et il n’avait pas de durée. C’était ce qu’il y avait de plus extraordinaire : il était absent du temps. Le temps roulait sous lui en grondant, sans l’atteindre de ses bruits. Par ailleurs, c’était mon visage, mais aussi celui de tout le monde. Et, par exemple, celui de telle femme aimée. Je la voyais clairement : elle était dans mon visage comme l’arbre au sein de la forêt. Ou peut-être était-elle la forêt et moi l’arbre. Toujours est-il que cela m’a donné envie de pleurer, sans savoir si c’était de joie ou de peine. Puis j’ai compris que mon visage appartenait à tous, comme un soleil foulé et vainqueur, toujours resplendissant et que, par conséquent, selon une logique irréfutable, tous lui appartenaient en retour, soleils mêlés à mon soleil et le dotant d’une profondeur infinie. Ainsi la séparation n’existe pas vraiment, elle n’est qu’une ombre éphémère jetée en vain sur mon visage, car toujours il reparaît dans sa multiplicité, au milieu des décombres du temps. (Journal, mars 1995)

L'homme habité - 38 x 30 cm - encre

 

Une maison de tendresse inexpugnable. Cela existe-t-il ? Je me perds dans tous ces dédales. Ce labyrinthe est sans fin, aussi tortueux que le cheminement d’une vipère. Qui suis-je ? Ce nuage à l’aube a plus de consistance que moi. Tous ces miroitements m’aveuglent. Où est la lumière-source ? La clarté que rien ne trouble ? Où est le profond désir essentiel ? Peut-être ne faut-il que poser des questions. A qui ? Au Visage ? Le Visage lui-même est question, le Visage est une question insensée qui brûle et, ce faisant, repose dans son feu.
Journal,  fin 1995)

 

 

 

 

Femme voilée - 65 x 50 cm - technique mixte Femme au chien - 56 x 42 cm - technique mixte

 

 

encre - 40 x 26 cm

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voici l’autre nom que je pourrais donner à mon Visage : le Fou. Car il est d’une irrépressible folie. Celle-ci est sagesse surnaturelle. Cette folie, cette tournoyante folie est amour. Elle est au centre de nous-mêmes, bâtissant de ses mains ardentes des feux sans fin.
Quant à notre moi superficiel, il porte le gris costume de la raison et se hâte indéfiniment vers des buts qu’il érige en absolus. Petite toupie desséchée, tel est notre moi. Un rien, un effleurement du vent le fait tourner sur lui-même, girouette obtuse.  (Journal, fin 1995)

 

                                                                                                                                           

technique mixte - 64 x 50 cm

 

                                                                                                            

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