Janine Modlinger

             

PRÉSENCE                                        en hommage à Nicolas Dieterlé

Il a tout aimé. D’un amour flamboyant et grave, dans la ferveur du chant.

Pour parler de lui, il faut employer des mots précautionneux,
ceux qui gardent le silence et le voile de la pudeur.

J’ai traversé le jardin tout à l’heure, et j’ai songé combien, à la fine pointe du regard, il aurait salué ce feu de l’automne.

Il aimait même l’eau des villes… dans les caniveaux, il aimait ce qui n’a pas de nom.

Ses marches dans le paysage furent des noces avec le monde, dans la contemplation de la beauté qui était toujours prière.

Il disait : l’adoration la plus haute, la plus profonde, est muette.

Il vécut d’un feu intérieur, d’un incendie, jusqu’à vouloir plonger tout nu dans la cascade.

Ayant atteint ce point d’incandescence, la poésie a pour tâche de joindre deux mondes, celui du bas et celui du haut.

Et d’entrevoir la grandeur secrète des choses.

Il a tout aimé, la faux vive du soleil, le bouclier bleu de la mer et même la fumée qui s’échappe des cheminées.

Ce qu’il salue au plus haut : le chant des oiseaux, les fleurs pareilles à des étoiles, l’arbre. Il s’adresse à lui comme à un proche : tes branches où se joue ton amour spacieux.

A l’écoute, à la fine pointe du Regard et, inlassablement, faisant retour au centre, là où du cœur du silence jaillit l’étoile du chant.

Sa prière : que la voix du monde et la sienne se fécondent mutuellement, renaissent à elles-mêmes comme un feu double et unique .

Poésie, dit-il encore, puits de silence où luit, tout au fond, l’eau immobile et fériée du Verbe.

Je voudrais marcher avec lui, serrer sa main : il est le tout proche qui apporte de la bénédiction.

Il fait partie de ceux, très rares, qui vous font vivre, éclairent le chemin, montrent la direction.

Il y eut des heures d’angoisse, de perdition, puis la détresse finale. Sur cela, je mets un voile de pudeur.
Nous ne savons rien, sinon qu’il a beaucoup souffert.

Janine Modlinger

paru dans la revue  arpa, n° 110-111, octobre 2014

 

Janine MODLINGER, née en 1946, est poète. Elle a publié de nombreux recueils aux éd. éclats d’encre, et également dans d’autres maisons d’édition.

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