La pierre et l'oiseau

 

     Il suffirait d’un seul acte pour briser le pullulement trompeur des mots. Pourquoi le différer ? 

Plonge ta main dans l’essaim des mots et mets la main, en dépit des piqûres, sur le miel de la Parole.

       En auras-tu le courage ?

      (journal 1996)

 

  … mais les gondoles  

ne peuvent cesser d’errer

 ma main tendue est passée près

 du présent sans l’atteindre

 le visiteur gracieux

 s’est évanoui 

 (extrait d’un poème inédit)

 

J’ai acheté des tulipes jaunes et je les ai réunies en bouquet dans un vase. Puis, je les ai mises contre un mur, tout près de ma porte-fenêtre, si bien que maintenant, dans le soir qui tombe, elles font penser à des mains lumineuses levées dans une insondable attente…    (journal 1996)

 

 

 Je me suis assis sur le banc dans le parc et j’ai laissé la pluie me recouvrir comme un tendre, amoureux linceul. Elle tombait sans fin sur mes frères les arbres et tous – eux et moi – nous nous tenions plus immobiles que jamais, attentifs au chant à la  fois  discret et nourri qu’elle produisait en touchant les feuilles qui se tournaient vers elle comme des mains offertes….
(fichier Poésie)

 

  Un nuage occupant un incroyable espace est tout à coup né (littéralement, car auparavant il n’y avait rien) en plein ciel. Il était sombre et rude, puis s’est éclairci, s’est fait plus doux. Des oiseaux comme des virgules le traversaient. Il portait sur ses flancs de petits nuages effilochés semblables aux poissons parasites qui accompagnent les requins. Les minutes ont passé et il s’est lentement dirigé vers l’horizon, immuable, porteur d’une grande sagesse. Il ressemblait à une main allongée bénissant le monde, le cours des choses.   (journal 1999)