Poèmes lus lors de la rencontre du 13 mars 2014-Françoise Coulmin
Trans
Écume pâles lèvres cicatrices fuyantes rivages amoureux
de cavités profondes à pénétrer le pouls des temps
capricieux spasmes la mer qui passe du gris au vert
dès que le vent devient caresse
Chemin blanchi à sang midi sans ombre
des grillons en délire qui s’insinuent
au creux des nuques assoupies odeur acide
sueur de raisins écrasés et cet âne bâté qui sanglote au soleil
Sons de sable sons de roches vent de graines
affolées en terre stérile concert somptueux
d’escarpements en orgues tours et donjons
châteaux inaccessibles s’asseoir au fond du silence
Rougeoiement de braises cet arbre-la cet amour-la
cette musique-la empilement des jours
épaisseur des jours solitude habitée
quotidien au quotidien jour au jour le jour
Blancheur des marbres science et calcul des pierres
unique soliste pour concert unique chant d’un poète
petits chefs d’œvre perdus sursauts de dignité
pour vivre encore un peu
Il y aurait ces petits gestes du vécu écrire à un ami
dégager un œuf de ses écailles remonter son col au froid
endormir un enfant chantonner à la vie
saisir ce que les choses savent
Oublier les murs le tout petit carré de ciel aux fenètres
bouquet d’iris un jour de pluie un jour de lampe à laisser allumée
se réveiller à l’incroyable appel du chant d’un merle
au-dessus des fureurs
D’aube en aube le même côté à l’ombre
les mêmes flancs au soleil âpre et dure aridité à convaincre
insensibilité de la nuit aurore à réchauffer tous les matins
depuis ce premier matin d’homme
Nuit pure de berger qui chante et endort ses troupeaux
dans les collines au vent je l’entends
qui appelle et se rassure et se rapproche
de ce sommet de chaumes éclat de lune
Et les brebis se taisent pour ne pas déranger
ce grand rêveur allongé sur les plages
dans la déploration de ceux qui ne viendront plus
des petits coquillages de cent millions d’années au fond des yeux.
In Pour durer, Le dé bleu (Fr)/Les écrits des forges (Qc), 1992.
Françoise Coulmin