La musique encore…

09.08.2010

j’ai regardé longtemps les indescriptibles variations de couleurs et de formes que provoquent les passages du vent sur la surface de l’eau. Parfois cette dernière devenait presque blanche, tout en étant piquetée de mille petites rides ; d’autres fois – et le changement était quasi immédiat – elle s’assombrissait comme un gouffre et plus rien ne semblait pouvoir la soulager de son amertume (même les canards ne s’aventuraient pas dans ces eaux-là) ; d’autres fois encore, rien ne la troublait et elle se contentait de refléter le ciel avec ses nuages bleus… Assis sur la berge, je participais à ces changements subtils et cela créait en moi un espace correspondant, où pensées et émotions se modifiaient avec la rigueur et la légèreté d’une musique

des cercles s’arrondissaient sur l’eau, pareils aux rouages d’une horloge fugace

des cercles s’arrondissaient sur l’eau, miracles de l’éphémère. Mes phrases ne sont pas différentes : elles s’étalent, puis s’éteignent

la double clarté songeuse du ciel et de l’eau

la merveilleuse beauté du fleuve étale dans le soir, sa finesse, son équilibre, sa douceur, son rayonnement

il y a une équivalence étrange entre les cercles provoqués à la surface du fleuve par la chute éparse de gouttes d’eau, et les notes de piano lentes, solitaires, graves, rayonnantes, que crée la main amoureuse du musicien Bill Evans au début du morceau que j’écoute actuellement. Dans les deux cas on dirait que quelque chose est donné une fois pour toutes

(Journal 1999)

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