Archive pour la catégorie ‘Archives blog 2009/2010’

C’est le printemps

mardi 6 avril 2010

C’est le printemps. Les premiers bourgeons, les premières fleurs même apparaissent aux branches. Quel miracle…J’ai été happé aujourd’hui, alors que j’étais à la Défense, ce lieu insensé, par la beauté d’un jeune arbre dont la blancheur explosait littéralement au milieu des tours. Toute l’absurdité figée, bétonnée dont j’étais entouré, se volatilisait à sa vue. Ebloui, j’ai tourné lentement autour de lui, me laissant caresser par ses fleurs. Toute la tendresse du monde s’épanchait d’elles et venait à ma rescousse. Car en moi aussi, trop souvent, règne une absurdité mortelle dont les tours d’acier m’emprisonnent, en moi aussi s’éveille un jeune arbre, à la blancheur salvatrice…

Les feuilles naissantes se déplient et se dévoilent au bout des branches. Certaines sont revêtues encore d’une peluche brune qui laisse au bout des doigts quand on la touche une fine poussière que l’on essuie ensuite sur ses vêtements. D’autres sont pareilles à de molles bannières ou des rideaux qui cachent (et exposent en même temps, car si elles n’étaient là, la curiosité serait-elle excitée ?) quelque trésor royal dans des chambres secrètes, étroites, spiralées, que la rosée emplit parfois, comme la mer une grotte de falaise (c’est ainsi que l’imagination opère, multipliant le monde, comme un vaisseau créant sur la surface de l’eau, auparavant lisse et sans surprises, des remous ondoyants, d’une complexité baroque, qui captivent le spectateur)

Les tout premiers bourgeons apparaissent aux branches des arbres, comme une frêle rosée ou comme un essaim timide d’insectes verts et roses

Certains bourgeons sont comme de petits poings qui se hérissent parfois à leurs extrémités – quand ils commencent à s’ouvrir – de feuilles naissantes d’un vert pâle; d’autres ressemblent à des doigts pointés vers le ciel en une indication muette de choses invisibles et puissantes; une dernière sorte fait penser à de petits rideaux que le vent fait osciller et qui portent entre leurs plis des graines brunes et légères

Que  le  printemps  est beau ! Et  quel  miracle  qu’il  ait  enfin  accédé  à  lui-même, hors de la prison hivernale ! Hors de toute prison, le voici, rayonnant et doré, le front ceint d’une couronne de fleurs, et rien, non rien, ne fait chanceler son pas. Peut-on concevoir un tel équilibre, alors qu’autour de lui se brisent encore de grands pans de glace ?

«  L’hiver est mort tout enneigé
On a brûlé les ruches blanches
Dans les jardins et les vergers
Les oiseaux chantent sur les branches
Le printemps clair, l’avril léger  »

note: citation de Guillaume Apollinaire

Journal (extraits)

(presque) une journée de printemps

samedi 27 mars 2010
Aujourd’hui fut (presque) une journée de printemps.

Comme d’habitude, je me suis assis au bord du fleuve et je l’ai regardé qui roulait ses muscles, à la façon d’un animal. Près de moi, des feuilles survivantes pendaient aux branches d’un arbre. Un vent espiègle les faisait sauter et rouler sur elles-mêmes, comme des petites filles joyeuses, claquant des mains, levant les jambes. Plus haut dans l’arbre, des oiseaux s’égosillaient. Le soleil brillait. Le ciel avait cette minceur sèche propre à l’hiver, mais c’était néanmoins une sorte de printemps qui visitait le monde, inexplicablement. Une fluidification timide, mais  sensible, des choses s’opérait. Comme j’aime ces trêves qui semblent imméritées… La grâce, n’est-ce pas cela : un don, une visitation lumineuse, qui nous est accordée alors même que nous entretenions en nous (au moins apparemment) la plus froide, la plus hivernale, des dénégations ?

Le dernier rayon

lundi 1 mars 2010

Au crépuscule, ce sont les arbres qui les premiers sont investis
par la nuit proche. Le ciel est encore d’un bleu gris,
quand toute leur masse – du tronc à la cime –
est d’un noir sans failles, un noir d’eau-forte qui fouette
durement le jour exsangue. A peine si, au sommet de quelques arbres,
le soleil couchant pose un dernier rayon orange,
tellement las qu’on a peine à le voir. Et pourtant on le devine,
oui, c’est de l’ordre du pressentiment, car il pourrait ne pas être,
il est très proche de n’être pas et se manifeste comme tel,
magique ambivalence. Les feuilles le reçoivent sans passion,
et même avec une neutralité prudente, car la nuit est sur elles.
Il demeure néanmoins, cerné par le noir qui le dissout lentement,
vague auréole rousse qui possède encore  – pour qui sait voir –
des velléités  d’inflammation. Il se meurt, mais d’une mort qui n’en finit pas,
une mort inextinguible.

Oiseaux

samedi 6 février 2010

La cage est brisée, l’oiseau s’est envolé
il a franchi les monts du souciles sommets neigeux de l’absence
les déserts enfouisseurs de source
les marécages où s’enlisent les désirs
les villes incestueuses où l’humain
ne connaît que l’humain

d’un large coup d’aile, il les a traversés
(ainsi un navire, après une halte dangereuse
dans une eau stagnante meurtrière
se reprend et, d’un bond en avant,
rallie les lointains ouverts)

Oh la joie qui fut la sienne
la profonde joie impérissable,
quand vint vers lui, porté par l’air,
le visage du Solitaire,
dans le ciel qui n’a pas de fin

( poème inédit )

La poésie est cet oiseau
qui se pose sur l’appui de la fenêtre
et te regarde de son oeil cerclé
de vert et de bleu
Rien ne résiste à sa perspicacité
pas même toi
qui te veux opaque
cerclé de dur

( poème inédit )

La neige

mardi 5 janvier 2010

Les lents et solennels
rayons de la neige
tournent dans un ciel clair
et métallique d’hiver.
Vive la neige
qui nous rend à nous-mêmes,
nous renouvelle, nous rajeunit.

Nous sommes les enfants
de la neige, de cette tendresse
gisante immaculée,
oiseaux migrants la tête en bas,
étoiles amoncelées indistinctes,
squelettes iridescents…
Enfants, le monde nous est
un flocon au creux de la paume,
un monde fugace qui tourne en eau.

A ma mère qui attend là-bas
comme une  statue,
j’apporte la victoire
de mes poings comblés de neige…

Poème inédit