Les mots encore…

12.09.2010

La question centrale est celle-ci : qu’est-ce donc qui, en moi, cherche à connaître ? Question admirable et vaine, car elle n’a pas de réponse. Il faut se laisser absorber par elle, dans le silence. N’est-ce pas justement un certain silence qui, en moi, veut se faire connaître ? Mais on pourrait aussi bien dire une voix, une parole, un discours.
J’ai remarqué que les mots mêmes, les simples mots que j’écris ici, sont possédés du désir de connaître. C’est donc qu’ils sont ignorants, qu’ils savent qu’ils sont ignorants, et que ce savoir leur est souffrance. La connaissance seule pourrait les guérir.
Cette guérison serait un couronnement. Les mots sont dans les affres du désir de connaître, du désir d’être couronnés. L’ignorance est solitude. La connaissance est solitude couronnée, rayonnante, indivise, primordiale, essentielle. Mais je n’arriverai à rien avec les mots seuls. Car ils sont trop seuls. Ils gisent dans le sang infâme de leur solitude. Je ne peux compter qu’avec le peu de vie qui leur reste, cette mince flamme qui subsiste en eux. Il me faut voler aux mots l’étincelle résiduelle du désir.

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Oh, que j’aime les mots puisqu’ils permettent de rendre compte de l’amour, puisqu’ils transmuent tout en amour…

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Est-ce trop hardi si je dis que les mots sont les fleurs pâles échappées d’un printemps insondable en nous ?
Fleurs imparfaites, fleurs de mensonge, vite desséchées, et pourtant fleurs quand même.

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Le dehors rejoint sans cesse le dedans. Comment exprimer cette étrange coïncidence
(ce reflux de l’âme du monde sur l’âme individuelle), sinon par la poésie ?
A vrai dire, il m’arrive d’écrire un peu au hasard. Mais c’est qu’il me semble parfois que seule la culture
du hasard (cette fleur exotique) est véritablement féconde. J’improvise, voilà, j’improvise. Dieu aussi a su improviser.
J’aime qu’il y ait de l’espace entre mes mots. Un éther vivifiant.
J’aime que mes mots soient baignés d’énigme, comme la feuille par le vent, comme le poisson par l’eau.
Comme notre corps vit d’air, notre âme vit de mystère.

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Quel beau mot que ce mot : confiance. Quel est l’ange qui me le souffle ?***
Les mots sont semblables aux nuages. Ils se font et se défont dans l’étendue.Je voudrais une langue adamantine où puisse se refléter tout l’arc-en-ciel des Possibles.

(Journal 1996)

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