Intervention à la Halle Saint Pierre

Mon approche de la poésie de Nicolas Dieterlé

Intervention de Jean-claude Morera à la Halle Saint Pierre, le dimanche 27 mars 2011

 C’est lors d’une randonnée entre poètes, dans la région parisienne qu’Anne-Paule Kassis m’a fait connaître Nicolas Dieterlé.

J’ai de suite été touché par la grâce particulière de ces textes.

J’étais, je suis en effet, en recherche de complicité dans l’écriture.

Pour moi, ce qui caractérise l’écriture poétique c’est sa force évocatrice. Les mots du poète, sa langue, ses rythmes sont faits pour nous emporter dans sa réalité. Et ce qui fait leur efficacité c’est qu’ils naissent directement de son expérience, de son ressenti.

Cette authenticité en est la première force.

Ainsi Nicolas écrit :

« Si tu écris « oiseau », rien qu’ « oiseau », imagine quel oiseau bariolé se met à respirer en toi, te brûle les poumons »

Là est donc la poésie mais le sentiment de fraternité qui me rattache à Nicolas vient d’encore plus loin.

Il est grand, il est transcendant que la poésie parle ainsi directement à notre ressenti le plus large.

Ce faisant, elle nous ouvre à une dimension de notre conscience dont notre quotidien nous éloigne trop souvent car nous restons enfermés dans les représentations utilitaristes qui nous permettent de nous façonner cette réalité forgée jour après jour, cette construction dite rationnelle qui produit nos techniques, nos institutions.

Pensées toutes faites qui orientent et organisent nos perceptions. Mode légitime sans doute mais réducteur.

N’est-ce pas ce qui nous explose aujourd’hui à la figure à Fukushima ou ailleurs ?

Nicolas est à la recherche de cette pleine efficacité du sentiment et de la transmission.

« Le langage est séparation, je voudrais qu’il soit communion. Est-ce possible ? Oui par le biais de la poésie…» (L’aile pourpre p.59)

Il y parvient par une écriture étincelante et surtout peut-être par la simplicité et la profondeur de son regard.

C’est pour cela que, comme ces romantiques allemands dit-on dont il se sentait proche, il recherchait  avidement le contact avec la nature.

« La ville écrit-il, une irréalité congelée. »

et encore quand il s’installe à Villars en pleine nature :

« S’installer à V. c’est entrer dans un ordre très Saint : celui des montagnes »

Laissons-nous prendre par la pureté véritablement hypnotique de sa vision pour libérer notre regard, de ses préformes inhibitrices et accéder à une  réalité plus pleine et riche.

Ouvert à cette pluridimensionnalité de l’être, produirions-nous encore des guerres ou des Fukushima ?

Mais pour moi, la poésie de Nicolas va encore plus loin.

Tout en nous faisant partager ses visions, ses sentiments, ses états d’âme, avec un simplicité peut-être facilitée par le fait que ces textes édités n’étaient pas clairement destinés à la publication, il nous donne à l’accompagner dans un processus de transformation personnelle..

Nous sommes en effet des êtres en devenir et il n’est pas de fixité dans le ressenti.

Aussi désespéré, malheureux ou au contraire transporté, extasié qu’il soit, qu’il se débatte,  qu’il fuie ou qu’il chemine, le poète nous fait toujours partager un voyage ;

Et voici ce qui nous rend nous tous – poète ou non – si proche de Nicolas.

C’est qu’il se livre à nous comme un homme qui marche simplement et qui, avec toute la radicalité de son  engagement est donné à un quête intérieure inexorable.

Et sa parole nous le dit qui nous entraîne dans un voyage dont nous pouvons questionner les méandres mais pas la vision, la finalité. Parce que c’est notre quête.

Et c’est bien au-delà des représentations formelles qui sont les siennes et qui appartiennent à l’univers culturel d’un christianisme qui n’est pas seulement réformé mais qui s’interroge et qui se réforme – univers qui me touche car, venu d’un autre horizon chrétien je l’ai questionné comme lui.

Il est bien notre frère à nous tous qui, jour après jour nous efforçons d’être, de devenir homme.

Mais voila, Nicolas est parti, il s’est donné la mort le 25 septembre 2000, submergé par l’angoisse.

Nous n’avons pas accès, nous n’aurons jamais accès à la pointe du questionnement qui fut le sien et dont l’acuité douloureuse l’a conduit à ce geste.

Il nous reste ses écrits fulgurants, ses œuvres visionnaires et il faut remercier les éditeurs Labor et Fides, Arfuyen, Gérard Pfister et aujourd’hui la librairie de la Halle Saint Pierre qui nous invite, de nous les rendre accessibles.

Nous savons la qualité de sa recherche.

Par son regard, par son écoute, nous nous nourrissons de son monde éblouissant de beauté.

Nous marchons à ses côtés, pèlerins que nous sommes, privés d’étoile parfois et même de sanctuaire mais jamais de désir.

Il nous reste sa présence stellaire.

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